Commercial Pilot Licence

Dimanche 8 mai 2011, 23h30, difficile de trouver le sommeil, demain c'est le grand jour, le test CPL qui viendra sanctionner un peu plus d'un mois de préparation. Quelques heures auparavant j'ai passé un coup de fil à l'examinateur, Chris G. Il m'a donné notre destination, son poids, son callsign (exam eight Zero), et nous avons rendez-vous le lundi matin à 9h30 en salle de briefing. Maintenant tout est prêt, la route est tracée sur ma carte, la fiche de masse et centrage renseignée, le log de nav presque rempli, il faudra le compléter avec les données météo du jour. Nous volerons donc de Stapleford vers Bentwaters, un terrain désaffecté sur la côte au nord est de l'Angleterre.

07h30, le réveille sonne, il n'y a pas une minute à perdre, j'ai deux heures pour prendre ma douche, enfiler chemise blanche et pantalon bleu marine, avaler un petit déjeuner, prendre connaissance de la météo, calculer caps et vitesse sol sur la route, déterminer les performances de décollage et d'atterrissage du jour, réaliser une prévol de l'avion, faire les pleins de carburant et compléter l'huile, imprimer un petit dossier avec la météo et les NOTAM (NOtice To AirMen) pour l'examinateur... A 9h30 lorsque je passe le pas de la porte de l'accueil j'aperçois un grand type se dirigeant vers la salle de briefing, pas de doute c'est lui. Je lui emboîte le pas et nous nous saluons avant d'entrer et de nous installer confortablement. Pendant les 30 minutes suivantes il se présente, c'est un ancien pilote de la Royal Air Force, m'explique le déroulement du test, me fait remplir un peu de paperasse et me demande de lui soumettre ma préparation de navigation. Côté météo rien de particulier, nous avons un beau ciel de traîne sur le région avec un PROB30 que certain cumulus donnent de faibles averses. En revanche cela risque de bouger un peu en vol, à cause des nuages convectifs, et près du sol du fait d'un vent soutenu du sud ouest. Heureusement les pistes de Stapleford et Southend sont orientées 22 et 24, nous sommes dans les limites de vent de travers donc nous pouvons partir. Une fois mon exposé achevé, l'examinateur me demande de terminer la préparation de l'avion, et tea time oblige, me rejoindra d'ici 20 min.

L'avion utilisé, immatriculé G-WAMS, est un PA28R motorisé par un Lycoming de 200cv non turbocompressé. Je me lance dans la flight deck check, l'examinateur quitte le club house et s'installe dans l'avion, il est temps de réveiller notre monture. "Clear prop !" Je tourne la clé, l'hélice effectue un timide mouvement puis plus rien... Une rapide vérification dans le cockpit pour s'assurer que rien n'a été oublié puis je retente ma chance, mais le moteur ne bronche pas. La batterie est complètement déchargée ! L'examinateur se tourne vers moi, il ne faut pas être un psychologue pour deviner l'inquiétude qui grandie. Mais il garde son flegme et retourne prendre une tasse de thé dans le club house le temps que je règle ce petit contretemps. "Tu vas nous débrouiller cette panne mon garçon mais reste relax, c'est ça aussi l'aviation". Il faut absolument remettre ce maudit avion en route car les autres PA28 sont tous en vol, donc pas de machine de remplacement. Je file à la maintenance, des mécanos en plein travail sur un DA42 me dirige vers le responsable. Je lui explique mon problème et me dit qu'ils vont apporter un groupe de parc pour le démarrage. 5 minutes plus tard nous effectuons une première tentative sous alimentation auxiliaire : le démarreur fonctionne mais le moteur ne veut rien savoir ! Deuxième tentative, après un petit coup de primer il donne un léger signe de vie, s'arrête puis subitement rugit comme après un long sommeil ! C'est gagné, l'examinateur s'installe de nouveau. Nous sommes en retard donc je ne traîne pas sur les checks et il me fait grâce du "passenger brief".

"Stapleford Radio this is G-WAMS operating at Exam 80 request radio check and airfield information"

"Exam 80 I read you five runway 22L QNH 1022"

"Five 22L 1022 Exam 80"

Je débute le roulage pour l'aire d'attente 22, effectue les essais moteur et me présente au point d'arrêt 22L. Il a deux avions dans le circuit dont un Seneca en base, étant donné la vitesse d'approche élevée de ce dernier je préfère attendre avant de m'aligner. Du coup j'enchaîne le "crew take off brief", vérifie le réglage des altimètres, enclenche le mode ALT du transpondeur, allume le phare d'atterrissage et la réchauffe pitot et m'aligne une fois le Seneca posé. La piste est maintenant libre, le conservateur de cap est vérifié, j'ajuste le régime moteur à 2 000 tours sur freins, vérifie les pressions puis plein gaz et colle les talons au plancher. La machine accélère généreusement, la vitesse de rotation (70 kts IAS) est rapidement atteinte. L'avion prend de l'altitude, j'annonce "No remaining runway and positive rate of climb, gear up" et ramène la manette de train en position haute. Il est temps maintenant de régler le moteur avec les paramètres de montée et d'enchaîner par un virage au 160°. Je continue avec la check après décollage puis à 800 pieds engage un virage au 130° pour sortir du circuit de piste. Je dois maintenant rejoindre la J28, un croisement d'autoroutes à l'est du terrain et point de départ de ma navigation, et monter vers 2 100 pieds.

Pendant cette phase je quitte la fréquence de Stapleford pour appeler London Information afin d'obtenir les QNH régionaux de London, Chatham et Yarmouth. Après collationnement je demande tout de suite de passer sur la fréquence de Southend mais tout va très vite car la J28 est quasiment sous mes ailes et je suis à 200 pieds de mon altitude de croisière. Je décide d'abord stabiliser la machine et prendre mon cap avant d'appeler Southend. Je vire donc au 062°, note l'heure et calcule les ETA, laisse doucement accélérer le PA28 jusqu'à 120 kts IAS puis affiche 22" à la pression d'admission. L'avion est maintenant trimé, j'appelle Southend et demande un "basic service". Le contrôleur me donne un nouveau QNH et me demande de rappeler travers Abberton, une étendue d'eau au sud de Colchester. Ensuite j'enchaîne avec une "Top of climb check" à savoir vérifier le fuel (changement de réservoir, mixture, fuel pump), vérifier les fréquences radio, jeter un oeil sur les températures et pressions, aligner le conservateur avec le compas, et vérifier les altimètres. Regardons à présent la route, il se trouve que pour le moment ça colle plutôt bien donc je tiens la barre et me détend un peu ! D'ailleurs l'examinateur en profite pour engager la conversation. C'est donc une atmosphère parfaitement sereine qui règne dans ce cockpit et donc favorable pour effectuer du bon travail.

A droite je distingue le réservoir d'Abberton et surtout la grande ville de Colchester devant le capot moteur, cela correspond à mon "half way point". Il est temps de quitter la fréquence de Southend et d'appeler les contrôleurs de la base militaire de Wattisham pour le reste du vol. Changement de réservoir, je suis dans les 3 min de mon ETA et mon cap s'avère être toujours le bon donc je ne change rien ! L'examinateur en profite pour me donner mon déroutement : Tillingham, un tout petit village au sud de notre position, mais il demande d'abord de rejoindre notre destination initiale. Le travail repend dans le cockpit, je sors un marqueur et trace la nouvelle route, mesure la distance, calcul le cap, la vitesse sol et le temps en fonction du vent dont j'avais noté au préalable les valeurs (dérive et composante de face) sur mon rapporteur. J'écris tout ça sur un coin de la carte bien en évidence.


Rapidement je distingue Ipswich, une autre grande agglomération proche de la côte. Le terrain de Bentwaters est à 4min de vol d'Ipswich, je ne devrais donc pas tarder à apercevoir la piste. En fait c'est le terrain de Woodbridge qui apparaît en premier.

Woodbridge est une ancienne base militaire américaine à l'abandon avec une longue piste au milieu des bois. Bentwaters lui est situé après la forêt et dispose de pistes croisées, ils sont donc parfaitement identifiables si on a pris la peine de jeter un oeil sur Google Maps la veille car sur la carte rien ne les différencie. A une minute près nous sommes dans l'ETA, j'annonce donc à l'examinateur la verticale de Bentwaters, il acquiesce et je vire tout de suite pour prendre mon cap de déroutement au 216° en informant Wattisham de mes intentions. 19 minutes et un changement de fréquence plus tard j'aperçois un groupement de maisons perdu au milieu d'un large bras de terre.

Grâce à mon ETA, à un relèvement VOR et une observation de la topographie j'informe l'examinateur que le point de déroutement est atteint, il acquiesce de nouveau et me demande maintenant de rejoindre Southend pour quelques circuits de piste. J'appelle la fréquence approche avec qui nous sommes déjà en contact :

"Southend Approach Exam 80 request joining instruction for circuits"

"Exam 80 report airfield in sight, expect a straith in approach runway 24 no traffic repported"

"We will report airfield in sight Exam 80"

Quelques minutes minutes plus tard la grande piste de Southend apparaît au milieu de la ville.

"Exam 80 airfield in sight"

"Exam 80 clear to straith in approach runway 24 number 1 report final"

"Straith in approach runway 24 number 1 we will report final Exam 80"

Sans rien demander nous avons le droit à une approche direct, et aligné sur l'axe je distingue le PAPI (Precision Approach Path Indicator) qui m'indique 4 rouges signe qu'il est encore trop tôt pour descendre. Je choisi donc d'effectuer toute la prelanding checklist mais de garder le train rentré, ça ne serre en effet à rien d'ajouter de la traînée à 10 nautiques du seuil de piste. Enfin le PAPI affiche 1 lumière blanche et 3 lumières rouges, je sors le train, réduit la pression d'admission à 17" et garde le palier quelques secondes pour ralentir l'avion. Dans l'arc blanc je sors 2 crans de volets, stabilise la machine à 80 noeuds et commence à descendre avec maintenant 2 blanches et 2 rouges sur le PAPI.

"Exam 80 final runway 24 touch and go"

"Exam 80 clear to touch and go runway 24 wind 220° 17kts report downwind"

Je positionne les volets à 40° et maintient 80 kts comme Vref à cause du vent. L'avion touche la piste, je rentre les volets et remet les gaz, c'est parti pour une approche sans volet et une "glide approach". Ensuite nous virons au nord pour démarrer le vol sans visibilité. "I have controls" me lance l'examinateur, j'attrape donc les screens sur les siège arrière pour masquer la vue extérieur, les positionne et reprends le contrôle de l'appareil. Le premier exercice consiste à rejoindre le radial 090° outbound du VOR de Lambourne. Puis il me demande de monter et descendre en virage au taux 1. D'accélérer à 135 noeuds puis de ralentir à 90 noeuds. Ensuite il me demande un "position fix" puis cache l'horizon artificiel et le conservateur de cap et me demande d'effectuer un time-turn. Un time-turn est un virage au taux 1. On mesure la différence entre le cap actuel et le cap désiré et on calcul le temps qu'il faut pour rejoindre ce nouveau cap. Ensuite on incline l'avion, déclenche un chronomètre en prenant soin de sortir du virage à l'heure dite. Ce n'est qu'à ce stade qu'on vérifie le cap sur le compas. Par exemple si je suis au 100° et je souhaite virer au 190° je dois mettre l'avion en virage à droite au taux 1 pendant 30 secondes (30° = 10 secondes)

Après les réjouissances du time-turn, place aux positions inusuelles avec panneau partiel. L'examinateur cherche d'abord à perturber mon oreille interne en exerçant des G positifs et négatifs. Puis va positionner l'avion en virage à grande inclinaison en forte monté ou descente. L'exercice consiste remettre la machine en ligne de vol en utilisant l'indicateur de virage, l'altimètre et éventuellement le variomètre. Cette partie étant concluante, je retire les screens, Chris me donne quelques secondes pour reprendre mes repères et m'acclimater au vol à vue. Sans perdre de temps nous passons à la maniabilité : virage à 45° d'inclinaison à droite et à gauche, décrochage en configuration lisse, base en virage à 20° d'inclinaison avec 2 crans de volet et train sorti, et finale avec les volet à 40° et train sorti. Puis il me demande un "steep gliding turn" : la manette des gaz au ralentit on maintient une vitesse de plané de 80 kts, puis on adopte une inclinaison de 30° à 85 noeuds, enfin on incline encore l'avion jusqu'à 45° en maintenant une vitesse de 90 kts. Tout un programme...

L'avion est en palier à 2 000 pieds, sans crier garde il ramène la manette des gaz au minimum et me lance "engine failure !" Tout de suite j'adopte la vitesse de finesse max (80 kts) et cherche un champ adapté pour un atterrissage d'urgence. Je déroule mes checklists pour une tentative de redémarrage en vol mais le moteur ne veut rien savoir. Il fallait s'y attendre pour un exercice ! J'entreprends donc de sécuriser le moteur et le circuit carburant. Juste derrière je lance un MAYDAY, affiche 7700 au transpondeur, et brief mon passager pour un atterrissage forcé. Le champs se rapproche mais je ne sors aucune traînée pour le moment de peur de me retrouver sous le plan. Lorsque qu'il devient évident que l'avion pourra planer jusqu'au site choisi je sors le train et tous les volets, lance un BRACE BRACE BRACE, coupe l'électricité et déverrouille la porte. "Ok Go around" s'exclame alors l'instructeur. Je pousse la manette des gaz au maximum et rentre les volets en position 2, puis annonce "positive rate of climb gear up". Mais la torture n'est pas terminé car il saisit à nouveau les gaz et me lâche "Engine failure after take off", immédiatement j'adopte la vitesse de finesse max, cherche un champ pour me poser et avise l'examinateur de mes intentions. Il est satisfait nous rentrons au terrain...

Pour l'arrivée j'effectue une intégration directement en base main gauche piste 22L. Je m'annonce en finale pour un toucher pensant que l'examen n'est pas terminé. Au moment où les roues du PA28 rentrent en contact avec le tarmac je repousse la manette des gaz au maximum mais l'examinateur la ramène sur ralenti et me dit avec un grand sourire : "Why do you want more you passed !" Une joie immense m'envahie, je freine en douceur et dégage la piste sur le taxiway en herbe. Il prend le contrôle du roulage quelques secondes le temps que je reprenne un peu mes esprits et termine ma checklist après atterrissage. L'avion s'immobilise, le moteur s'étouffe après une dernière compression. Voilà, une marche de plus gravie sur ce long escalier menant au métier de pilote de ligne. Je commence la MEP et l'IR dans quelques jours ce qui me laisse le temps de savourer cette nouvelle victoire.

Commentaires

  1. Quel beau billet, pour une telle occasion ! Félicitations, et bon vent pour la suite !

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  2. Félicitations à toi et merci pour ce récit!
    Tout de bon pour la suite! ;-)

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  3. Merci beaucoup et bon courage dans vos projets respectifs !

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