Le 15 du ciel
Habituellement notre ballet
s’ouvre sur cette perspective. Un aérodrome endormi et désert dans la fraîcheur
du petit matin.
Pas un bruit, étonnant
paradoxe d’un espace où rugissent d’ordinaire turbines et pistons. Instant de
contemplation que l’on s’offre chaque fois que cela est possible, juste
quelques secondes d’apaisement avant la libération du flot de kérosène dans nos
deux Pratt & Whitney PT6A-42. La chambre de combustion qui subitement
monte en température, la vitesse de rotation de la turbine qui s’amplifie,
déchirent d’un sifflement notre toile idyllique. Nous venons de sonner les matines. Un léger coup de gaz afin
de mettre l’avion en mouvement achève le sommeil des plus récalcitrants. Des
oreilles se dressent, des corbeaux maculent le ciel, le Bronx se réveille.
Aujourd’hui l’ambulance aux
hélices quadripales monte au-dessus des Alpes puis accélère à 275 nœuds vers
Nice. Le commandant de bord se lance dans une approche VOR A puis VPT A sur la
04L dans un décor de toute beauté ; au sol le petit bout chou n’a que
quelques heures et va faire son baptême de l’air.
Deux tours de cadran plus
tard, le trafic s’est sérieusement amplifié et nous voilà numéro 3 au point
d’arrêt après avoir négocié la priorité devant un Alitalia. Un B737 et un A320
nous escortent à présent. Décollage en 22L puis montée à la Vy afin de
rapidement atteindre l’altitude de sécurité qui nous permettra de virer au Nord
vers Lille. C’est bon de pouvoir compter sur une machine qui tient ses
promesses, elle avale d’un bon variomètre les 10 000 pieds qui nous séparaient
de notre clairance. Enfin nous pouvons promettre au dernier-né qu’il touchera
ses terres dans 1h45.
La porte de la salle pilote à peine ouverte et nous prenons
connaissance de nos prochaines ordonnances. Une toile centrée sur notre base
commence à se densifier. De Shannon à Djerba, de Split à Porto, on compose le 15
et on attend l’embarquement vers sa demeure. Conscients ou inconscients, ces
patients transportent leurs histoires qui font de chaque vol une entité
unique ; comme marqué au fer rouge par leurs aventures plus ou moins
heureuses. Alors parfois, comme pour s’accorder un petit moment hors champs, on
s’octroie de petits instants de détente à bord, entre Tunisie et Sardaigne.
Ils nous avaient promis un été chaud, il fût brûlant mais
passionnant et généreux. Riche en
rencontres. Dans l’ordre, un chat à Ajaccio abattu par la chaleur écrasante qui
trouve refuge sous notre fuselage. Ou, là, un orage bien seul au-dessus de
Florence. Ou encore à Cannes où je croise pour la deuxième fois l’objectif de
Boubou, un spotter qui parle la langue des cigales. Un Airbus A310 en montée
initiale à Francisco Sá-Carneiro, un copain chauffeur d’ambulance turbinisée à
LFMT. Un rocher monumental qui surplombe la piste surchauffée de Palerme. Et
même un record personnel de vitesse sol. Les pilotes de jet ne devraient pas
vraiment s’en émouvoir !
Et en fin de mission notre ballet se referme bien souvent sur la même perspective. Un pilote endormi et heureux dans la fraîcheur d’une handling calme et
désert. La boucle est bouclée.
Comme dirait ma soeur (émigrée au Canada) : "elles sont 'cute' tes lunettes" mdr
RépondreSupprimerMerci Albé pour ce beau récit. Heureusement qu'ils existent des héros comme vous ;-)
Aurélien
Ah ah ah ce sont des trucs chinois qu'il vaut mieux ne pas utiliser avec le soleil en pleine face !
SupprimerIl n'y a rien d'héroïque, en revanche je me sens vraiment utile dans ce job. On est proche de nos passagers, medecins ou patients, et c ce que j'aime. Les héros ce sont nos "French Doctors" !!! A+
Super ton récit !!
RépondreSupprimerVivement que je sois au même stade que toi ^^
Enfin j'en suis loin encore lol
Salut jfab45, merci pour ton message, tu en es à quel stade de ta formation ?
SupprimerRéponse tardive désolé .. Ça manque de mail de notification lol.
SupprimerJ'en suis à la fin du PPL, passage de l'examen courant décembre normalement.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerHello Franck, j'essai d'être à ton niveau et c'est pas facile :-) La photo c'est libre de droit, je crains le pire au club !!! merci et à +
SupprimerSuper article, vraiment captivant et agréable à lire, comme d'habitude. A bientôt ;-)
RépondreSupprimerHello, c'est sympa merci. J'espère qu'on va réussir à se capter sur Nice ou Cannes dans les prochaines semaines. A très bientôt donc.
SupprimerÇa va finir par le faire ! A+
SupprimerCes "docteurs de l'air", conduits par les "ambulanciers de l'air" sont d'une importance capitale au sein d'une société. Les histoires que vous accumulez sont touchantes et enrichissantes. Nous vous invitons à les partager avec la plus grande communauté de passionnés du moteur PT6 : PT6 Nation.
RépondreSupprimerTrouvez-nous sur http://www.PT6nation.com ou encore sur Facebook, Twitter, YouTube et Instagram!
Au plaisir,
PT6 Nation
J'ignorais l'existence de ce site, effectivement il s'en passe des histoires derrière ces turbines mythiques. Et ce n'est pas terminé, au vu de leur fiabilité ce n'est pas demain que ça va changer ! A bientôt
SupprimerTrés beau récit.
RépondreSupprimerMerci pour ce message !
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