Dressage

Le silence, enfin presque. Un simple Telex nous permet de communiquer via l'intercom et avec l'ATC. Plus besoin de casques encombrant et lourds qui englobent toute l'oreille.  La vie est décidément faite de petites révolutions.

Un petit coup de gaz et l'avion se met doucement en branle pour avaler la ligne jaune du taxiway qui nous sépare du point d'arrêt. Les bruits sourds des aspérités de l'asphalte rythment l'égrenage des guides et des check-lists jusqu'à l'alignement de l'appareil sur la piste. Aujourd'hui je n'ai plus que deux manettes à manipuler, celles des turbines, et je ne me fait pas prier deux fois pour les amener gentiment dans la position Take Off après un palier de stabilisation. Les Fadec commandent alors aux Pratt & Whitney PW615F de délivrer leur puissance optimale en fonction de la pression et température du jour. Les freins sont lâchés et le baby plane s'élance à toute vitesse pour prendre son envol. 


Comme pour s'approprier la devise "petit mais costaud" il demande à ce qu'on lui dire généreusement sur le manche. Il réclame de l'assiette et bien voilà 20° et 130 kt indiqué une fois le train et les volets rentrés. Puis sa fougue s'apaise une fois la MSA franchie, 170 kt IAS pour la montée et je passe les manettes sur la position Climb. Traversant le niveau de vol 270 nous basculons en montée au point de Mach 0.44, et hop première navigation en espace RVSM lorsque nous nous stabilisons au niveau de vol 320. Le cadet accélère vers sa vitesse de croisière de 342 kt TAS. Tout de suite le film cavale à 60 images par seconde et n'attend pas ses spectateurs. La puissance est positionnée sur Cruise puis nous préparons l'arrivée. Cela ne donne guère le temps de laisser choir son regard sur les merveilles de notre planète qui défilent sous nos ailes.


L'ATC nous autorise à descendre vers notre point initial d'approche. J'essaie de m'appliquer à gérer l'inertie des réacteurs mais l'exercice demande de l'acuité, il faut contrôler constamment sa vitesse car s'il y a des Fadec, il n'y as pas d'automanettes et donc attention au dépassement de Vmo/Mmo. Heureusement le Beech est la voie royale pour acquérir ce genre de réflexe. La gestion moteur y est permanente. Voilà déjà la barre de déviation horizontale de l'ILS qui donne des signes de vie, puis le glide commence à descendre. Notre poulain, toutes traînées dehors, tient bien sa vitesse de référence au seuil de piste. 50 ft, les manettes sont ramenées au ralenti, le sifflement dégressif des turbines est parfaitement audible. Une petite action à cabrer sur le manche et l'avion se pose quasiment tout seul.

"Ne pas lever les sécurités des fuel cut off et positionner les leviers en arrière comme pour passer les reverse du Beech" C'est ce qui traverse mon esprit à l'instant où je déploie les speed brakes et appuie généreusement sur les freins, l'antiskid lui fait le reste. Il faut se faire violence pour récuser ce geste un peu pavlovien de pilote de gros avions à hélice. Au parking nous coupons le carburant et nos deux petits sèche cheveux finissent leur mise en plis. Dans le cockpit c'est comment dire, wouha ! Quel pied, quelle joie, on ne peut que savourer chaque seconde, chaque noeud gagné et perdu au fil du vol, chaque vibration, chaque son de turbine ou d'écoulement d'air sur le fuselage... Et ma monture porte bien son nom pour un premier cheval, Citation Mustang.




Je poste en plus une vidéo des derniers vols sur Beech, bonne séance.

Commentaires

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    1. Merci Franck, tout va bien je suis toujours licencié FFA :-)

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  2. Bravo Albé,

    ça doit décoiffer en Mustang... même si il parait que les pilotes de mustang sont impressionnés par les perfos des "gros" jets. On est toujours petit par rapport à quelque chose!

    En tout cas félicitations et bons vols!

    Benoit (on s'est croisé à Bron aux côtés d'un pilote euh... qui n'aime pas Mc Do, qui vole partout et heu... qui parle anglais depuis peu!)

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    1. Merci Benoit, en effet chaque fois qu'on passe sur un nouvel avion qui va plus vite et plus haut que son avion précédent ça impressionne tjrs mais beaucoup moins dans le sens inverse. A très bientôt

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  3. Toujours très passionnant de te lire Albé. Encore un super récit de ton quotidien. Je reste impressionné par ton ascension rapide dans ce milieu exigeant, une preuve indéniable de tes qualités, s'il en fallait ;)

    A bientôt et pas de faux plan au prochain coup hein :D

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    1. Merci Aurélien, oh là il n'y a rien de spectaculaire ! Simplement tous ceux qui réussissent à percer et évoluer ne tiennent pas tous un blog. Je m'expose un petit peu en faisant cet exercice. Je peux t'assurer qu'il y a des ascensions bien plus rapides pour certain. A chacun son histoire, il n'y a pas deux parcours qui se ressemblent. J'ai certainement bcp de chance. En revanche tu as raison ce milieu est exigeant, et pas que sur le plan technique, on l'oublie trop souvent. Bon courage dans ta vie de navigant tu es tout proche !!

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  4. Beau début de carrière, félicitations.
    De beaux récits j'attends le prochain, merci.

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    1. merci pour ton message Sergio 33, j'espère pouvoir tenir ce blog régulièrement à jour. A bientôt

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  5. Cela faisait longtemps qu'on attendait un nouveau récit!! En plus d'une évolution sur réacteur dont nous pouvons que nous en réjouir, c'est accompagné d'une magnifique vidéo!!! Habitant à Bron , le rêve ne m'en parait que plus proche!!!! Merci pour tout!!!!

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    1. Et bien il faut que tu passes voir tous ces jouets si tu habites à côté, la porte est ouverte

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  6. Bravo Albé, je suis super content pour toi !!
    Toutes mes félicitations, profite bien de tes "sèche cheveux" ;)

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    1. Merci Aurél on espère t'entendre bientôt sur la fréquence !

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  7. Il est 13h15, il fait trés beau. je suis dans mon bureau, j'entends les avions dehors et je mets à rêver en lisant ce récit. Merci

    Thomas M

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