Rouvrir les yeux

   Tout va très vite, un bond de 32 minutes laisse peu de temps pour admirer le paysage. En plus de la conduite de la machine il y a aussi beaucoup de paperasse. Nous devons tenir le log de navigation à jour, remplir et compléter les cartons de décollage et d'atterrissage, actualiser la météo par la prise d'ATIS en croisière, calculer notre attente à l'arrivée en fonction de notre fuel restant et notre consommation actuelle, déterminer notre plafond de rétablissement en cas de panne moteur, remplir le CRM (compte rendu mécanique) et bien d'autres joyeusetés à tel point que je viens d'élire un stylo fétiche. Il me suit et je le suis partout, cela dépend de ma faculté à l'oublier dans le cockpit. 

   Mais ce qui nous anime aujourd'hui ce n'est pas vraiment ce bon vieux Chronos qui nous talonne mais plus l'aspect réglementaire du vol. Dans moins de 5 minutes nous allons changer de cadre et passer du régime de vol aux instruments au régime de vol à vue. Et c'est bien la première fois que j'effectue une mission sous plan de vol Y (IFR puis VFR) et Z (VFR puis IFR) pour le retour. Après une verticale du VOR de POI, nous quittons l'espace aérien contrôlé au point ABSIE, le contrôleur de Poitiers nous précise l'heure exacte du changement de régime de vol et nous assure l'information de trafic comme n'importe quel SIV pour un VFR. Cela semble insignifiant mais qui dit changement des règles dit changement de service, changement de méthode de navigation et changement de radiotéléphonie. Du coup nous basculons l'interrupteur cérébral sur le bon mode et nous voilà en VFR à 3 000 ft à 200 kts. Ca force tout même à analyser le ciel avec une certaine minutie. 

   Fontenay le Comte n'est plus qu'à une poignée nautiques, le terrain est en auto-information. Nous arrivons par le Nord, nous nous annonçons à 2 minutes de la verticale des installations et nous descendons à 1 600 pieds tout en réduisant notre vitesse à 140 kts. La manche à air indique clairement un vent du Nord Est, ce sera donc une intégration en 09 par le début de vent arrière. Il n'y a personne dans le circuit mais nous restons très vigilant. Nous préparons la machine pour l'atterrissage et réduisons la vitesse à 110 kts. La piste de Fontenay le Comte fait un peu moins de 1 000 m, ce qui est suffisant pour notre Beech, néanmoins mon captain vise bien le seuil pour poser le plus court possible et ainsi se garantir une bonne marge de sécurité. Le C90GTi touche doucement l'asphalte, nous passons les pleines reverses et dégageons sur le taxiway à mi-piste. Derniers éclats de rires avant l'arrêt des moteurs lorsque mon captain utilise les inverseurs pour faire une marche arrière. Le créneau en King Air c'est possible !

Sur place on retrouve l'ambiance chaleureuse d'un aérodrome. Nous proposons à un élève et son instructeur de visiter la machine, on discute, on parle d'aéronautique, des formations, du marché de l'emploi, de notre compagnie, de notre travail. Je retrouve cette atmosphère d'échange que j'ai toujours apprécié dans les aéro clubs. Peu après une petite équipe nous dévoile une superbe réplique au 3/4 d'un "de Havilland DH.98 Mosquito". Un travail d'orfèvres lancé en 1996 et tout juste achevé. Le Mosquito est un chassuer-bombardier bi-moteurs de légende qui a notamment servi dans la RAF pendant la seconde guerre mondiale.

Ensuite je profite du crépuscule pour prendre quelques clichés. Nos passagers arrivent peu après, nous décollons avant la nuit aéronautique toujours en VFR.

Nous devons rejoindre le point d'entrée stipulé sur notre plan de vol Z pour pouvoir poursuivre en IFR. Nous obtenons notre clairance par Poitiers et rejoignions notre niveau de croisière avec une belle direct de plus de 200 nautiques. A l'arrivée nous sommes pris en charge par Lyon approche qui nous donne des vecteurs afin d'intercepter l'ILS 34 à Bron.

Pour conduire nos approches aux instruments nous disposons d'un écran en face de chaque pilote qui regroupe les informations d'un EADI et EHSI, plus simplement un PFD (Primary Flight Display). Ici le NAV2 est réglé sur 111.3, la fréquence de l'ILS34, la course au 343° qui correspond au radial d'interception et au QFU de la piste 34 (aiguille verte), l'ADF sur la fréquence du NDB BR à savoir 388 (aiguille magenta). On observe juste au-dessus de l'horizon artificiel les modes du pilote automatique. HDG correspond à Heading ce qui veut dire que le pilote auto maintient le cap 104° affiché manuellement via le MCP (Mode Control Panel), AP signifie tout simplement que l'Auto Pilot est engagé, VS indique que le mode de descente utilisé est Vertical Speed avec un taux demandé de 1 000 ft/min et enfin ALTS signifie que le mode d'interception d'altitude est armée, ici on vise 5 000 pieds. Un paramètre à vérifier à chaque changement d'altitude cible et systématiquement 1 000 pieds avant la capture de celle-ci. Le code couleur vert signifie qu'un mode est engagé et blanc armé. On remarque que pour le moment le mode APP (Approche) pour intercepter automatiquement l'ILS n'est pas armé. En effet le guidage radar n'est pas terminé et bien entendu nous ne sommes pas encore autorisé à l'intercepter. Ah d'ailleurs voilà le contrôleur qui nous appelle pour nous donner un nouveau cap, je vous abandonne ici avec cette vidéo prise sur un autre vol lors d'une descente de l'ILS34 justement, fly safe !