Plastic party


"Il est magnifique"
"Non il est affreux"
"Moi je le trouve vraiment réussi"
"Tu plaisantes on dirait un insecte monté avec deux moteurs"



Voilà à peu de chose près ce que donne une discussion entre pilotes au sujet du design du Diamond Twinstar DA42. Marcel Dassault a prononcé un jour cette célèbre phrase "Chaque fois qu'un avion est beau, il vole bien." Je dois très humblement m'inscrire en faux sur le cas du DA42 : cet avion est disgracieux mais il vole bien et même très bien ! A chaque prévol j'éprouve un sentiment négatif à son sujet qui se dissipe aussitôt une fois installé à bord. Le contraste est saisissant, je me demande parfois si je suis bien assis dans le même appareil tant cela donne l'impression d'être dans un cockpit de petit jet. Et en prime on a même l'odeur du kérosène, brillant. Beauté intérieur oui, mais ce n'est pas tout : majestueux avec ces grandes ailes de 13m42 d'envergure, puissant avec deux moteurs turbo-compressés Austro Engine AE300 Jet A1 de 170 cv chacun, léger avec une masse à vide de 1 500 kg, économique car il ne consomme que 10/12 USgal par heure pour une IAS (Indicated airspeed) de 135/140 noeuds à 70 % de puissance affichée. J'ajoute que je n'ai aucune action chez Diamond... Mais apportons un soupçon d'objectivité à ce tableau idyllique : maudits ECU ! (Engine contrôle Unit). Ces petits calculateurs forts intelligents nous lâchent environ une fois par semaine. Extrêmement sensibles, ils réagissent au moindre paramètre incorrect, envoient un message d'erreur qui contraint à l'annulation du vol et à un "reset" dans le centre de maintenance.


"Go ahead" me lance Steve, notre instructeur. J’exécute donc la checklist démarrage moteur. L'opération est d'une rare simplicité il faut simplement enclencher un "master engine switch", tourner la clé du côté du moteur souhaité et répéter l'opération pour le moteur opposé. 10 secondes : un jeu d'enfant. Le master avionic est enclenché, toutes les croix rouges inondant les écrans du G1000 disparaissent petit à petit, la mise en oeuvre de la machine est bientôt terminée et nous allons pouvoir attaquer le roulage pour le point d'arrêt 22L.


L'exercice du jour consiste à une prise en main de la machine et de la maniabilité. Aligné sur la piste 22L je pousse les manettes des gaz sur max, la puissance affichée grimpe rapidement à 100% et les indicateurs passent au jaune, signe que nous sommes au dessus de la puissance maximale continue autorisée; pas plus de 5min stipule le manuel de vol. L'avion vibre et se met en branle, je maintiens les freins en pression, T's and P's green, no warming, breaks off ! Vitesse de rotation : 80 noeuds IAS. Première impression, ça pousse fort, l'avion accélère rapidement et en 600 mètres nous sommes propulsés dans les airs. Deuxième impression : il grimpe aux arbres, pas moins de 1200 pieds par minute. Le bout de piste passe sous l'avion, la vario est positif, je ramène la manette de train en position haute. La pompe électrique met en pression le circuit hydraulique qui active des vérins pour rentrer les roues dans leurs logements. Dans la foulée je réduis la puissance affichée à 92%, l'ECU (Engine Control Unit) gère le reste pour moi à savoir régulation de l'hélice et richesse, belle invention quand elle fonctionne... Nous nous éloignons vers l'est et montons à 2 300 pieds. Steve me dis : "Vas-y amuse toi un peu et regarde comme il est maniable". Un coup de manche à gauche et le Diamond ne se fait pas prier pour partir dans un virage à 60° d'inclinaison, le taux de roulis n'a vraiment rien à voir avec nos bons vieux Seneca. Un coup d'oeil sur les ailes permet de se rendre compte à quel point l'utilisation des matériaux composites est une vraie révolution.


Pas un rivet, un profile parfaitement lisse et d'une grande souplesse, capable d'encaisser des variations qui avoisinent les 30 cm au niveau du saumon d'aile sous facteur de charge. Un élève pilote en a fait l'expérience il y a quelques semaines sur l'un des avion de l'école :

(Copyright M. Tardini)

Nous commençons quelques décrochages, des positions inusuelles et là encore l'avion tient ses promesses, les récupérations sont rapides. Nous attaquons donc le vol asymétrique, Steve réduit la puissance sur un moteur. Le DA42 embarde du côté du moteur mort et il faut vraiment, vraiment pousser fort sur les palonniers pour garder les ailes à plat. Et d'autant plus lorsque Steve "coupe" le moteur N°1 (moteur critique). A l'inverse du Seneca, le DA42 n'a pas d'hélices contrarotatives et donc la notion de moteur critique rentre en ligne de compte. Mes jambes tremblent après trois exercices de panne moteur. Cela tombe bien la leçon touche à sa fin, je ramène le Diamond vers Stapleford pour une semi direct main gauche pour la piste 22L. Vitesses d'approche : 100 noeuds en base et 90 en finale. Et là autre bonne surprise lors de l'atterrissage, le DA42 se pose presque tout seul. Cette impression n'est pas tirée uniquement de mon expérience personnelle, tous les élèves pilotes de l'école s'accordent à dire que leurs plus beaux atterrissages ont été réussis sur le DA42. Et sans vous mentir, après une séance de 2h de vol aux instruments, un petit kiss c'est bon pour le moral !

Voilà pour cette première impression sur ce superbe outil de travail. Dans son petit cockpit il concentre déjà pas mal de systèmes modernes présent dans les avions de transport. Une machine donc adaptée pour la formation des élèves pilotes de ligne . Ombre au tableau, l'électronique, qui tantôt s'avère être votre meilleure amie tantôt votre pire ennemie. Et comme diraient les anciens "Un avion en plastique ça manque un peu d'âme et de charme !". C'est pas faux.


Depuis ce premier essai nous avons volé 15 heures sur la machine, effectué des approches ILS à Cambridge, Manston, Calais et des procédures NDB à Southend. Avec Quentin nous avons réussi notre examen blanc 170A et nous sommes en courte finale pour le test, dans moins de 36 heures maintenant...

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